mercredi 28 novembre 2012

Administration, professionalisme et corruption

Quand on me dit "lenteur administrative", je pense à l'Inde, le pays où envoyer un colis est un parcours semé d'embuches dont les plus valeureux ne viennent même pas à bout. Quand on me dit "manque de professionalisme", je ne pense à rien, car dans tous les pays où j'ai été jusqu'à présent, les gens m'avaient l'air de faire à peu près leur boulot. Quand on me dit corruption, je pense au Liban, le pays où avoir son permis de conduire exige quelques dollars voire simplement connaître monsieur je-ne-sais-qui, sans même faire démarrer une voiture. Je ne dirai pas que l'Argentine est du niveau de l'Inde ou du Liban, car en Argentine, il est toujours possible de venir à bout d'un parcours semé d'embûches. Mais pour cela il faut attendre. Longtemps.

Un Vendredi 16 Novembre comme les autres à Buenos Aires...

- A 10h, un homme a fait la queue 25 minutes à la banque car il n'y a qu'un guichet pour 25 clients.
- A 12h, une femme a attendu 25 minutes à la pharmacie, un ticket à la main, car il n'y a que deux employés pour 7 personnes et que le point de vente est dissocié de la caisse pour une organisation optimale.
- A 14h, une vieille femme a attendu 25 minutes à la poste, un ticket à la main, car la moitié des employées étaient occupées à se faire draguer par leurs collègues. 
- A 14.15h, la caissière de la UCA était confortablement installée à la cafet' à envoyer des textos en encaissant des croissants.
 
 - A 16h, un jeune homme est rentré dans un célèbre magasin de sport. Il cherchait des baskets pour camper, courir, voyager, qui soient imperméables. Le vendeur occupé à discuter avec les 6 autres vendeurs du magasin vide lui a dit "oui, là tu as Nike, là tu as Adidas, tout ça c'est pour homme". Et a repris sa conversation.

 - A 16.30h, une pauvre jeune fille en échange s'apprêtant à partir en Patagonie est rentrée dans un autre magasin de sport, à la recherche d'un kaway imperméable. Voyant que le vendeur lui tendait une matière douteuse, elle osa suggérer "no me parece impermeable...". Ce à quoi le vendeur répond "Ah si puede ser". ("Ah oui possible, tu as raison"). C'est qui le vendeur ici?
- A 17.30h, 15 étudiants de la UCA attendaient depuis 30 minutes déjà au service des photocopieuses de la fac. Car il n'y a que deux employés: le mec qui fait les photocopies, et celui qui s'occupe de la caisse, penché sur son téléphone car il n'y avait personne à la caisse. "Et sinon, toi, on t'a pas appris à faire des photocopies?". 
- A 17.40h, une femme est allée poster un courrier à la Poste. Après une attente de 20 minutes, la poste lui annonce qu'elle n'a pas d'enveloppes A4. La Poste lui annonce qu'elle n'a pas d'Enveloppes A4. La POSTE lui annonce qu'elle n'a pas d'ENVELOPPES A4. 
- A 18.30h, le chauffeur du bus 93 jouait à Snake sur son portable, car il y avait des embouteillages et qu'il n'y a pas besoin de regarder la route pour faire 20 mètres toutes les 3 minutes. 

Mais ce même Vendredi 16 Novembre, à 19 heures précises à Buenos Aires, deux étudiantes en échange ont débarqué sans tickets au concert de Lady Gaga au River Plate Stadium, ont demandé au mec de la sécurité si certaines personnes revendaient leurs places, se sont faites conduire au niveau d'une entrée pour véhicules, ont glissé 350 pesos chacune dans la poche des amis du mec de la sécurité, et sont rentrées "discrètement" au milieu d'un troupeau de 15 autres personnes au concert par derrière. Kiffe ta place valant normalement 700 pesos, kiffe ton concert, kiffe Buenos Aires.




mardi 20 novembre 2012

La clase media alta

Je vous avais promis de revenir sur la proximité entre Paris et Buenos Aires. Chose promise, chose due. Si vous suivez un minimum, vous êtes maintenant sensés vous demander quel rapport il y a entre Paris et la clase media alta argentine (classe moyenne plutôt aisée). 

Je m'explique! En Argentine, et surtout à Buenos Aires, le modèle à suivre est la France et la beauté, la classe, la perfection à l'état pur, c'est Paris (j'avoue être assez séduite par cette façon de voir le monde). Ceci est particulièrement vrai pour la clase media alta, celle qui vit à Palermo, Recoleta ou Belgrano, qui achète ses crèmes Avène, Clinique et Klorane au Pharmacity et dont les enfants suivent des cours à l'Alliance française. 

A Buenos Aires, quand avec un groupe d'amis internationaux, tu tombes sur un Argentin qui te fait un interrogatoire, il crie quand il entend que tu viens de France, il jouit quand il entend que tu viens de Paris, et toi tu te sens cool. Je n'ai pas non plus tardé à noter que de Paris, ils connaissent surtout les "beaux quartiers". L'autre jour, je monte mon ascenseur de clase media alta-presque bourg' et la femme de CMA typique (soit dit en passant adorable, comme toutes les femmes de plus de 40 ans dans ce pays), commence son interrogatoire. "Vivis en Paris! Mira vos! Y donde: le 16ème? le 6ème? ou le 7ème?". Viens le moment critique où tu dois expliquer qu'en fait, tu ne viens pas de Paris mais d'une petite ville située à seulement 10 minutes de Paris en train (Asnières représente wesh!). C'est aussi le moment où tu as envie de dire: écoute tu es bien gentille, tu sens bon et je t'aime bien, mais vivre à Paris ne veut pas dire être riche, et si c'est l'idée de croiser une CMA-presque bourg' parisienne qui te fait jouir comme ça, va falloir aller voir ailleurs..
 
Il y a deux semaines, même scénario. Je rencontre une autre femme d'environ 50 ans, toujours aussi sympathique et qui sent bon la crème Clinique. Elle m'affirme que sa cousine vit justement à Paris, dans le... (instant de réflexion)... 14ème. S'en suit ensuite un interrogatoire non pas pour savoir à quel point je suis riche... Mais pour savoir à quel point sa cousine est riche! "Le 14ème, c'est comment? C'est beau? Mais c'est quoi les arrondissements chics à Paris? Et le 14ème en fait partie?". J'ai du répéter 5 fois le mot normal: le 14ème, c'est "normal"! Ah tu tournes à droite? Ça tombe mal je tourne à gauche! Hasta luego!". J'ai bien sûr le droit à une bise! 
C'est un autre sujet, mais les femmes de 40 ans et plus sont quand même les personnes les plus sympas en Argentine!


Cordoba

Il y a presque un mois déjà, je suis allée passer trois jours à Cordoba, la deuxième ville la plus grande du pays après Buenos Aires. Nous ne sommes restés qu'une journée dans la ville. On trouve à Cordoba une quantité de monuments liés au passé colonial de la ville, en particulier des églises catholiques... Jésuites (encore eux!). La Manzana Jesuitica notamment est une "cité jésuite" composée d'une université, d'une église (très belle), de la résidence de la Compagnie de Jésus et d'un collège. A cet ensemble s'ajoutent cinq "estancias" situées hors de la ville, dont Alta Gracia, que nous n'avons malheureusement pas pu visiter mais où se trouve la Casa du Che! (Malheureusement, en voyage, il faut souvent faire des choix...). Dans la ville, nous avons également visité un centre de détention de prisonniers politiques pendant la dictature, sur lequel nous sommes tombés par hasard, et qui fera l'objet d'un article indépendant. 

Après cette journée pendant laquelle il faut le dire, nous étions tous morts (les bus semi-cama ne sont pas toujours la bonne option, surtout quand à l'inconfort s'ajoute la présence d'une climatisation puissance maxi maxi plus), les aventures plus trépidantes ont pu commencer! Direction las Sierras de Cordoba! (Collines, montagnes, la nature quoi!). Nous avons marché... je ne sais plus combien d'heures, mais franchement toute la journée. Les scouts, je peux vous dire qu'en Argentine aussi, après une montée... Y'a une montée! Les paysages étaient magnifiques (petite illustration ci-dessous).


Le lendemain, direction Tanti! Avant notre départ ainsi qu'à notre arrivée, on nous avait indiqué la possibilité de faire une rando autour des chutes du village. Nous arrivons donc tous pimpants, prêts à achever de tuer nos jambes. Après avoir découvert la première chute, un homme nous indique que pour commencer la rando, il va falloir passer... par dessus! Je suis déjà un peu refroidie. Je commence à grimper, jusqu'à ce que je voie Pauline tétanisée et complètement bloquée. Je regarde à ma droite et je me rends compte qu'effectivement, de l'endroit où elle est, il suffit de trébucher pour tomber dans les chutes et concrètement, mourir (et pour une fois je n’exagère pas). Après 5 minutes à philosopher, nous redescendons et nous tombons sur le fameux chef scout obsédé qui après avoir insisté pour qu'on prenne le chemin habituel, finit par nous proposer de passer par une propriété privée pour accéder au début de la rando. Je demande innocemment s'il n'y a pas déjà eu des accidents, car ça me semblait vraiment bizarre, et cet homme exécrable me répond tranquillement qu'il y en a eu 5 depuis qu'il travaille sur les lieux, dont 3 mortels. Pendant la rando, il nous explique qu'il est militaire ou je ne sais quoi, et qu'il est là pour dissuader les gens de le faire ou pour les aider et éviter les accidents.
- Pourquoi la mairie n'installe pas une corde?
- Pourquoi le passage n'est pas interdit?
- Pourquoi a-t-il autant insisté pour qu'on prenne le chemin de base?
- Pourquoi tant de gens passent stupidement par là alors que le danger est plus qu'évident?
- Pourquoi est-ce que la Province de Cordoba et le village de Tanti font de la publicité autour de cette rando?
- Pourquoi personne ne condamne fermement le danger sur les lieux et ne se mobilise pour interdire le passage?

L'argent, l'argent. Je suis sidérée. 

La rando en passant par la propriété privée était tranquille et plutôt sympathique, on a pu se baigner dans les chutes pour finir ce week-end réussi. 

PS. La photo illustrative ne correspond pas au point dangereux décrit. Vraiment pas. 


jeudi 1 novembre 2012

Milonga y mate, las clases de guitarra

Comparés aux cours de la UCA, les cours de guitare, c'est du sérieux. A première vue, c'est plutôt fun. Mon prof est l'Argentin le plus argentin que je connaisse. Les cours se passent chez lui, dans un appart ressemblant pas mal à un atelier de guitare, qui possède une vue des plus déprimantes sur les toits du Centro et dans lequel mon prof passe certainement ses journées à moitié dans le noir à jouer de la guitare, boire du maté, lire Borges et regarder les matchs de foot. 
Du coup chaque Vendredi pendant deux heures (oui, c'est beaucoup pour un cours de guitare), c'est moi qui joue des milongas en buvant du maté, tel un gaucho dans la Pampa. Sur deux heures, on a aussi le temps de parler d'autres choses comme le sens caché et la symbolique dans Borges, comment jouer comme un vrai gaucho, l'histoire de la milonga, la politique argentine (mon prof est une sorte d'anarchiste en son genre), ou encore des différentes sortes d'alfajors disponibles sur le marché national. Vu comme ça, le cours n'a pas l'air très sérieux, mais en réalité le level est assez haut (du level argentin, quoi) et je crois bien que mon prof s'attende chaque semaine à ce que je joue deux heures par jour. (Je pense qu'il ne sait pas trop ce que c'est la vie d'étudiant en échange jaja). En ces moments (pour ceux qui connaissent un peu), on apprend les accords dans "toutes" les positions possibles partout sur le manche et les gammes associées à chaque position. Un travail un peu laborieux mais qui permet de comprendre mieux ce qu'on joue (et accessoirement de faire de l'accompagnement). Au niveau des morceaux, on s'attarde beaucoup plus sur l'interprétation que sur les notes et le rythme en tant que tels. En voyant que je partais beaucoup plus en voyage que je ne jouais de la guitare, mon prof m'a d'ailleurs conseillé de jouer de la guitare mentalement pendant mes trajets en bus. La bonne blague ! 

Je dois dire d'ailleurs que je regrette un peu de n'avoir plus que quatre semaines à Buenos Aires avant mon gros voyage, pour plein de raisons et entre autres parce que j'arrêterai de progresser pendant trois mois ! Enfin bon, je ne vais pas me plaindre d'être sur le point de réaliser le voyage itinérant le plus fou de ma vie et heureusement que je reste un semestre de plus en Argentine pour poursuivre ce que j'ai commencé !